4ème message d'espoir en ces temps de confinement
Après “tenir“, VOULOIR…
« Avec des cathédrales pour uniques montagnes,
Et de noirs clochers comme mats de cocagne
où des diables en pierres décrochent les nuages,
Avec le fil des jours pour unique voyage,
Et des chemins de pluie pour unique bonsoir,
Avec le vent de l'est écoutez-le “vouloir“ le plat pays qui est le mien. »
Pour illustrer ce “vouloir“, je vais faire appel à une autre chanson de Brel :
Voir la rivière gelée Vouloir être un printemps Voir la terre brûlée Et semer en chantant Voir que l'on a vingt ans Vouloir les consumer Voir passer un croquant Et tenter de l'aimer |
Voir une barricade Et la vouloir défendre Voir périr l'embuscade Et puis ne pas se rendre Voir le gris des faubourgs Vouloir être Renoir Voir l'ennemi de toujours Et fermer sa mémoire |
Voir que l'on va vieillir Et vouloir commencer Voir un amour fleurir Et s'y vouloir brûler Voir la peur inutile La laisser aux crapauds Voir que l'on est fragile Et chanter à nouveau |
Voilà ce que je vois ; voilà ce que je veux, depuis que je te vois, depuis que je te veux.
Je ne vais pas en faire un long commentaire ; il suffit de se laisser porter, tellement de choses qui rejoignent nos vies sont ici évoquées :
- les situations apparemment sans issue (la rivière gelée, la terre brulée, l’embuscade, le gris des faubourgs, la vieillesse, la peur, la fragilité…) toutes occasions de manifester un “vouloir“ aller au-delà !
- la rencontre de l’autre, méprisé ou opposé, et la volonté d’aimer à fonds perdus… Je ne sais pas si Brel était “prophète“, mais il avait été, malgré lui (?) marqué par l’évangile… le croquant, pour l’aimer ; l’ennemi de toujours, pour dépasser la réaction instinctive !
Cela me fait penser à deux épisodes de l’évangile où entre le “voir“ des disciples et celui de Jésus s’affirme une différence, celle d’un “vouloir“ qui dépasse leur courte vue !
- Il y a d’abord l’épisode de la multiplication des pains : Les disciples voient bien le besoin qui habite la foule, mais leur conclusion est simple : il faut les renvoyer.
« Or le soir étant arrivé, les disciples s’approchèrent de lui disant : « Le lieu est désert et l’heure déjà passée, renvoie donc les foules pour que, partant dans les villages, ils s’achètent de la nourriture. » Mais Jésus leur dit : « Ils n’ont pas besoin de partir : vous, donnez-leur à manger ! » (Mt 14,15-16.)
Oui, Jésus a un autre projet ; il ouvre un partage, un festin fraternel, là où les disciples ne voyaient comme avenir que dispersion et débrouille personnelle.
- Même distance entre les disciples et Jésus devant l’aveugle-né. Jésus le voit et désormais il veut qu’en lui Dieu se manifeste comme guérison et lumière pour sa vie. Les disciples, eux, ont le regard tourné vers le passé : « Qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents ? » Les disciples portent un regard qui désolidarise et qui cherche le coupable.
- Jésus les entraîne à “vouloir » autre chose : qu’éclate en cet homme aveugle le projet de vie de Dieu. S’il est ainsi, « c’est pour qu’en lui se manifeste l’action de Dieu ! » dit-il.
Certainement qu’en nous aussi, il y a du chemin à faire entre « voir » et « vouloir » !
- Prenons le temps de discerner ce que cela fait apparaître en nos vies : qu’est-ce que je veux vraiment ? Qu’est-ce que je poursuis avec ardeur ?
- Prenons aussi le temps de regarder à quoi cela nous appelle dans notre existence. Quels sont nos objectifs, précis, réalistes ? Face à tous ce que nous voyons, que faut-il ouvrir comme perspectives, que faut-il vouloir, comme démarches significatives et fécondes ?
Et pour prier, prendre la chanson de Brel : « VOIR », en ajoutant au final « Seigneur » :
«… depuis que je te vois, depuis que je te veux, Seigneur ! »